Thé, quiétude et vagabondages
On aime savourer une tasse de thé dans le silence et la lenteur…
Le thé comme instant de détente qui suscite le vagabondage de nos pensées, est une vérité que tout buveur de thé connait bien.
Une femme, une tasse et une théière. Le cadrage et la pénombre suscitent cette sensation de vide autour d’elle. L’obscurité fait ressortir cette fumée qui s’échappe de la théière et qui parait occuper toute la pièce pour donner un décor envoutant qui fait planer un grand calme autour d’elle.
Elle est en train de remuer son thé. L’inclinaison de sa tête et son regard suggèrent que son esprit est absent, loin. Ce lent mouvement circulaire la transporterait-il ailleurs ? La ferait-il ressasser quelques pensées ? Est-ce le contenu du petit meuble rouge qui occupe ses pensées ?
En effet, ce meuble, seul élément de couleur vive de la toile, attire le regard… Et attise la curiosité avec ce tiroir resté légèrement entrouvert. Un soupçon de mystère s’ajoute alors dans ce décor.
Peut-être que son état est simplement dû à l’envie de se reposer : « On boit le thé pour oublier le bruit du monde. » a écrit Lu Yu. J’aime énormément le travail de lumière et d’obscurité de ce tableau. Cette composition entre le noir de l’obscurité rappelé par le châle et la théière et le rouge du meuble. Le tout, mêlé à cette fumée envoutante, qui se fond avec le décor en arrière-plan, donnant une couleur chaude, pour créer un moment de repos à l’atmosphère chaleureuse et teinté d’un léger mystère.
Tout comme la femme du tableau de Chardin, elle a le regard plongé dans la tasse. Ses pensées aussi ? Sa manière de tenir la tasse, relevée et un peu penchée, assez atypique, comme si elle s’était arrêtée en plein mouvement étaye cette idée.
La tasse de thé semble avoir un pouvoir hypnotisant, menant à l’évasion.
Cette scène est très similaire aux deux précédentes : même jeu de couleurs reflétant la chaleur du thé, et surtout même silence et solitude. Car s’il s’agit d’une scène en famille, collective, il y a un silence et une solitude dans ce groupe. Ils ne parlent pas pour ne pas réveiller la petite fille ( on sent la bienveillance dans ce tableau ), mais aussi parce que tous ont une attitude songeuse : s’ils sont ensemble, physiquement, leur esprit n’est pas au même endroit. Les regards ne se croisent pas. Le peintre veille sur l’enfant, pensif. Sa femme arrête sa lecture et regarde au loin, les pensées perdues, tout comme la vieille femme. Le thé fumant les aurait-il guidé vers un endroit lointain ? C’est une belle scène de rêverie qui fait écho aux rêves que doit faire la petite fille dans son sommeil.
Le livre est bien mis en évidence, qui attend que l’on tourne sa page. Malheureusement il risque d’attendre, le regard de la femme ( ses beaux et immenses yeux noirs captivent notre oeil ), n’est plus sur lui mais ailleurs. Le regard de côté projette au loin, tout un univers mental pour lequel on délaisse bien volontiers la réalité.