Le moment du thé : bavardages et mondanités.
Une atmosphère intellectuelle habituelle aux salons littéraires du XVIIIe siècle, se dégage de cette scène, de par la présence des invités : scientifique, femmes de lettres, protectrice d’écrivains, musiciens ( même si ces derniers ne baignent pas dans la même lumière et portent des habits moins colorés, ce qui montre qu’ils n’ont pas le même statut que les invités aristocrates). Ils discutent, débattent, peut-être d’art, de littérature, de musique, tout en dégustant un peu de thé. Ici, nous l’image du thé comme une boisson pleine de délicatesse, raffinée qui trouve naturellement sa place dans un décor mondain et qui sied à merveille aux esprits les plus fins.
Comme il est mentionnée sur le site l’histoire par l’image , le thé à cette époque n’est pas aussi répandu en France qu’en Angleterre. Boire ce nouveau breuvage dont les anglais étaient fous et qui venait d’une terre si lointaine, devait être perçu comme exotique, précieux et très à la mode pour ces nobles. D’ailleurs, l’intérêt porté au thé est résumé dans cette petite phrase écrite sur une feuille près du près du violoncelle, dans le coin en bas à gauche du tableau (Je ne le vois pas mais sur l’histoire par l’image, l’auteur la cite ) :
« De la douce et vive gaieté
Chacun icy donne l’exemple,
On dresse des autels au thé ;
Il meritoit d’avoir un temple. »
La table est bien garnie en théières de plusieurs tailles dont la plus grosse est posée sur un réchaud. Le thé est encore chaud, on voit de la fumée qui sort. Il y a du citron posé sur une soucoupe et une belle brioche pas encore entamée. Les femmes ont des tasses à la main mais nous ne voyons pas d’hommes en avoir. Il semble même qu’un d’eux refuse poliment une tasse qu’on lui propose.
Ici encore, la conversation bat son plein autour de la tasse de thé. Ce que j’aime dans ce tableau c’est le bruit présent ! Une scène pleine de bruit de conversation. Tous les personnages sont en groupes, les positions de leurs têtes et de leurs mains, montrent qu’ils sont en train de parler. Parlent-ils des oeuvres d’arts ?
Peut-être. De secrets ? Pour deux femmes, on dirait bien !
Dans cette scène si anodine, se déroule peut-être un drame ! Cela n’est qu’interprétation mais en tout cas, la peintre a bien mis en valeur ces deux jeunes femmes qui, si elles sont en retrait par rapport au reste du groupe, nous est révélé et attire notre regard. Le thé serait-il propice au déliement des langues ?
On comprend aisément qu’il s’agit de gossips , de ragots : avec la position des deux femmes dont on voit le visage à droite, qui montre à quel point elles prêtent l’oreille à ce qui est dit ; ce mouvement figé de la chaise à bascule qui tend vers l’avant sous le poids de la femme qui se rapproche pour parler. C’est d’ailleurs, ce qui attire le regard dans ce tableau. La femme de dos ne semble pas prêter attention à ce qui est dit car elle semble être la seule à ne pas regarder la femme de gauche.
Il n’y a que la femme qui parle qui semble avoir une tasse de thé. Peut-être est-elle arrivée à l’improviste pour raconter ses commérages et son hôtesse lui a offert une tasse de thé pour l’accueillir ou alors les deux femmes intéressées par ce qu’elle sait l’ont invité et lui on proposé une gentille tasse de thé pour lui délier la langue ?…
Mais loin de moi l’idée de vous faire croire que le thé est la boisson des commérages et des secrets !
La scène est intime. Il semble n’y avoir que ce groupe d’amies dans cette salle.
Là encore, on parle autour du thé. Mais ici, le moment du thé est l’occasion de se réunir entre amis pour un moment complice. On s’amuse, on se taquine. C’est un moment entre amies qui sont heureuses d’être ensemble et de partager une tasse de thé.
Dans ces deux versions, le décor change quelque peu mais les deux représentations se ressemblent énormément ( Je vous invite à jouer aux jeu des 7 différences dans les commentaires ). Le service à thé, posé sur un très beau guéridon qui le met en valeur, est différent mais tout aussi raffiné. J’aime beaucoup le tableau de droite. La jeune femme qui se cache le visage avec son éventail et qui rougit de gêne attire le regard. Ce geste traduit une atmosphère très complice et amicale, personnelle. C’est une scène très réaliste, commune et non pas mise en scène. Cette scène de thé entre amies, on pourrait la trouver partout aujourd’hui.
Oui mais ici, la conversation a dû mener vers un profond désaccord. La gestuel des femmes nous le montre. Un index levé bien droit d’une femme, qui semble mettre en garde, ou affirmer son opposition, les mains innocemment levées d’une autre, pour renforcer son argumentaire et dire : « Vous n’êtes pas d’accord, soit, mais j’ai raison ! », la petite main d’une 3e femme pour tenter d’arrêter la seconde et apaiser les choses. On tente de la raisonner , on lui apporte même une autre tasse de thé pour la calmer. ( Il est vrai que tout semble mieux passer avec une tasse de thé ! ) Mais rien n’y fait… Un conflit va -t-il éclater ? Ces chères dames vont-elles en venir aux mains ?
Cette solitude la coupe des autres. Elle est placée en coin de table, comme à part, elle n’a même pas de tasse devant elle. Son regard est perdu, elle est immobile. Est-ce sa solitude qui la paralyse ? Je trouvais très intéressant de mettre ce tableau dans le corpus, car la solitude est justement mise en exergue parce qu’elle apparait dans un contexte convivial, durant le moment du thé, ce qui rend le contraste encore plus fort.
D’ailleurs même s’il y a deux petites filles présentes, celles-ci sont bien séparées des adultes et de leurs conversations de «grands». Tous sont plongés dans leur discussions excepté deux femmes. Celle en rose qui pose un regard sur une des petites filles et une autre femme, silencieuse, qui semble perdue dans ses pensées. Sont-elles les mères des petites filles ? Ou peut-être n’y a-t-il qu’une seule mère ? Celle en rose ?
En tout cas, cette représentation du five o’ clock tea, confirme encore une fois que le moment du thé est -pour les adultes- un moment où l’on prend davantage de plaisir à discuter qu’a prendre le thé, alors que pour les enfants, il semble que cela soit l’inverse !