Une histoire du thé

Un fait est souvent cité lorsqu’on parle de thé : le thé est la seconde boisson la plus consommée au monde après l’eau. Cette petite phrase suffit pour faire comprendre le grand intérêt porté à cette plante aujourd’hui. Mais son histoire au travers des siècles montre bien que le thé a toujours été considéré comme un produit précieux, suscitant engouement et convoitise…


Une plante chinoise

L’histoire du thé nait en Chine, il y a quelques milliers d’années. Le théier ( Camellia sinensis ) ne pousse alors que dans quelques provinces chinoises. À ses débuts, il est mangé avec des céréales.
Le thé ne devient une boisson que des siècles plus tard. Il est alors consommé sous forme de brique de feuilles compressées et rôties. On en casse un petit morceau que l’on fait infuser avec du beurre, du lait ou de la crème, avec du sel, du gingembre et de l’ail ( Au Tibet il est encore bu comme ça, c’est le thé au beurre tibétain. ). Le thé à cette époque est surtout utilisé pour ses vertus médicinales.
Sous la dynastie des Tang ( 8e-10e siècles), le succès du thé s’étend et il devient un breuvage que l’on boit par plaisir et détente. Le premier ouvrage sur le thé, Cha Jing ( Classique du thé ), est écrit par Lu Yu au 8e siècle. Il décrit tout ce qu’il y a à savoir sur le thé : ses origines, sa fabrication en passant par les façons de le consommer afin d’en révéler toutes les subtilités et gammes de goûts. Il s’agit de la première codification du thé.

Pour faire bouillir le thé, les meilleures de toutes les eaux sont celles qui s’écoulent des stalactites et celles qui ruissellent doucement sur des lits de roches.

Conseil très pratique de Lu Yu dans Classique du thé

Au fil des dynasties, la consommation évolue. À partir du 11è siècle, le thé est infusé sous forme de poudre puis battue en mousse. La céramique est alors utilisée pour les ustensiles.
Boire le thé devient tout un art fait de cérémonies et de raffinement présent surtout parmi les élites. D’une tasse de thé découle ainsi tout un art de vivre, de penser et moult artistes y trouvent leur inspiration et les moines boudhistes, une boisson favorable à la méditation.
C’est au 14e siècle, que l’on commence a infuser les feuilles de thé dans des récipients, comme nous le faisons encore aujourd’hui. De nouveaux ustensiles apparaissent, faits de terre et de porcelaine. La théière apparait comme l’élément le plus adéquat pour faire infuser le thé. Le thé continue alors à se répandre dans toutes les couches de la société et fini par occuper la première place des boissons préférées des asiatiques ( en plus des chinois, les coréens le découvrent au 7e siècle grâce à un voyage de moines boudhistes et les japonais qui l’ont découvert au 9e siècle grâce, aussi à des moines ).

Une denrée rare et convoitée

Au 17e siècle, le thé a déjà été introduit dans beaucoup de régions du monde : dans plusieurs pays asiatiques, en Russie, au Maroc et en Europe, notamment. En Europe, ce sont les Hollandais en premiers qui l’ont importé, suivi par les britanniques. L’Europe devient très friande de cette nouvelle boisson exotique. Surtout les britanniques. Le gouvernement britannique en achète énormément à prix d’or aux chinois pour satisfaire la demande du pays. Enfin plutôt à prix d’argent ! Le pays ne veut être payé qu’en métal argenté et fixe lui-même ses prix qui sont très élevés. Il peut se le permettre car il est le seul pays producteur et exportateur de thé au monde.
Si la Chine refuse catégoriquement d’être payée en marchandises c’est qu’à cette époque elle vit en autarcie. Elle est autosuffisante et ne veut pas être dépendante d’autres pays pour son commerce et ses besoins. Ce qui n’est pas le cas du Royaume-Uni, grand amateur de thé, de soie et de porcelaine chinois. La conséquence ? Une balance commerciale déséquilibrée. De plus, le métal argenté est très difficile à trouver pour les britanniques. Se noyant financièrement dans ces échanges commerciaux ( ils achètent plus de 20000 tonnes vers 1750 et 300000 tonnes vers 1800, imaginez la sommes payée…! ) les brits organisent plusieurs missions diplomatiques pour tenter des négociations, mais rien n’y fait. La Chine n’a besoin d’aucun produits manufacturés de l’Île d’Outre-Manche et ne veut être payée qu’avec le métal argenté.
Au début du 19e siècle, voulant changer à tout prix cette situation, Albion va se montrer très très perfide pour trouver LA marchandise que la Chine ne pourra pas refuser d’acheter… Les britanniques, qui vendent déjà illégalement en petite quantité de l’opium sur le sol chinois ( comme d’autres pays européens d’ailleurs ), intensifient leur production de cet opioïde dans leur colonie du Bengal afin d’inonder le territoire chinois pour provoquer une totale dépendance et ainsi créer une très forte demande. Le plan fonctionne et le trafic est florissant. En 1830, est importé illégalement près de 2000 tonnes d’opium. L’addiction au psychotrope s’est infiltrée dans toutes les couches de la société et tout les territoires du pays ! Malgré plusieurs lois interdisant la vente et la consommation d’opium, le pouvoir chinois ne parvient pas à l’enrayer.


Refusant cette addiction et cette dépendance face aux britanniques, les chinois détruisent, en 1839, toute une cargaison d’opium. Cet acte est inadmissible pour le gouvernement de Sa majesté qui, une année après, déclare la guerre contre les chinois : il s’agit de la première guerre de l’opium .
Le Royaume-Uni sort grand vainqueur en 1842. Il prend Canton et Shanghaï, impose des conditions très dures aux perdants : quatre ports pour le commerce européen sont ouverts, un tarif douanier avantageux pour les vainqueurs est mis en place, l’île de Hong Kong est cédé à l’empire britannique et les chinois doivent payer 15 millions de taels pour l’opium détruit en 1839.

Le combat maritime entre britanniques et chinois.
Destroying Chinese war junks de Edward Duncun, 1843.

La Chine sort du conflit, affaiblie, humiliée et obligée de suivre les règles des britanniques en matière de commerce. Tout ce qu’ils avaient refusé jusque-là leur est dorénavant imposé : le commerce de l’opium est légal et les échanges commerciaux avec l’extérieur devient une obligation. Toutes leurs marchandises sont désormais accessible à un prix avantageux pour le Royaume-Uni : porcelaine, soie et… thé. La balance commerciale penche désormais davantage du côté britannique.

Le vol qui mis fin au monopole chinois

Ouvrir le marché chinois à leur profit ne suffit pas aux brits qui ne veulent plus dépendre des chinois pour le thé. Ils veulent devenir producteurs. Mais le secret du thé est bien gardé. Comme il a été dit plus haut, les chinois sont très méfiants à l’égard des gens de commerce étrangers. Ils ne sont pas autorisés, notamment, à apprendre et à parler la langue pour éviter qu’ils échangent avec les gens, de peur qu’ils fassent affaire ou qu’ils n’apprennent les secrets de leur industries. Ils n’ont, aussi, pas le droit de parcourir le pays.
Face à cette situation, le Royaume-Uni a un autre plan. Il dépêche un botaniste écossais, Robert Fortune ( qui parle chinois) pour une mission spéciale : infiltrer le pays déguisé en chinois pour voler des plants de thé et percer le secret de fabrication du précieux breuvage ! (Décidément les britanniques et l’espionnage…)
Fortune, 007 du thé, parvient à entrer dans le pays par les ports européens. Il réussit à acheter des plants de thé et voyage dans des régions reculées de la Chine, là où jamais aucun européen n’avait pu se rendre. Il apprend tout ce qu’il y a à savoir sur les méthodes et savoirs-faire du thé.
Le botaniste/voleur, les poches pleines de plants de thés ( environ 20000) est ensuite envoyé en Inde, colonie britannique, pour les planter dans des régions comme l’Himalaya ( Darjeeling), Assam, les Nilgiris au sud de l Inde et en Ceylan ( ancien nom du Sri Lanka ), entres autres. Grâce au savoir-faire appris et aux températures idéales dans ces régions, les plants parviennent à bien pousser et donner du thé. Des thés de qualité, connus encore aujourd’hui pour leur nature exceptionnelle.
Ce vol industriel met fin au monopole chinois sur le thé et fait encore davantage vaciller l’économie chinoise déjà bien réduite. L’Inde parviendra même à dépasser la Chine dans sa production. Par la suite, le thé sera introduit dans d’autres pays, asiatiques ( Vietnam, Japon ), africains, comme le Kenya fin 19e siècle, alors colonie britannique.

Le thé aujourd’hui

Aujourd’hui les 4 plus gros producteurs de thé sont la Chine, l’Inde, le Kenya et le Sri Lanka. Il y aussi d’autres pays producteurs, chacun produisant des thés différents : thés noirs, verts, blancs et rouges, chacun différent en fonction de son terroir, avec une richesse de gout et des qualités spécifiques.
Depuis le début du 20e siècle, la production du thé s’est industrialisée, pour satisfaire une demande toujours plus forte à bas prix. La méthode CTC, Cut, Tear, Crush (  » Écraser, Déchirer, Enrouler »), qui a remplacé la méthode traditionnelle chinoise, est une méthode de transformation du thé, noir principalement, apparue dans les années 30 et qui est toujours utilisée pour les sachets de thé que l’on trouve principalement en grandes surfaces. S’ils sont plus pratiques ( le temps d’infusion est réduit) et sied à nos modes de vie, beaucoup de sachets contiennent surtout du thé en poussière transformé selon cette méthode CTC. Avec la méthode CTC, c’est un thé utra transformé, qui à la fin du processus, perd énormément de ses qualités et gammes de gout.


Riche, rocambolesque, parfois injuste, mêlée à la grande Histoire, l’histoire du thé montre qu’il est toujours intéressant et surprenant de connaitre comment tel ou tel produit que l’on consomme a fini par entrer dans notre vie.
Le thé est toujours très présent dans notre quotidien et, est toujours en perpétuelle évolution. Avec les nouvelles recettes de thé qui apparaissent encore aujourd’hui, que ce soit des blends, des boissons ou des gourmandises, on se dit que la plante d’origine chinoise a encore beaucoup de choses à révéler. Ce n’est VRAIMENT pas pour rien qu’elle est la seconde boisson la plus consommée au monde après l’eau…

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